7
Janvier - Février - Mars - 2018
Les encycliques sont des textes qui ont le plus souvent valeur d’enseignement et
peuvent rappeler la doctrine de l’Eglise à propos d’un problème d’actualité.
L’Encyclique du Pape François, intitulée « Laudato si », présentée le 18 juin 2015,
reprend l’invocation de Saint François « Loué sois-tu mon Seigneur » du Cantique
des Créatures, qui rappelle que la terre, notre maison commune, est « comme une
sœur, avec laquelle nous partageons l’existence, et comme une mère, qui nous
accueille à bras ouverts ».
Le Pape François est aussi un argentin qui a vécu dans une société aux inégalités
scandaleuses qui s’est toujours tenu dans une grande proximité avec les plus
pauvres. Il connait les mégapoles sud-américaines, leur pollution, les questions
posées par l’agriculture intensive, l’accès à l’eau, le narcotrafic. A ce titre, son texte
est concret, incarné et étayé de sa longue expérience, celle d’un pasteur de terrain. Ce
n’est étonnant donc qu’il donne ce texte comme l’accomplissement d’une des
promesses de son élection : poser les bases d’une écologie intégrale, d’une écologie
humaine.
L’encyclique a rencontré un large écho, au-delà même des frontières ecclésiales. Dès
l’introduction, le Pape s’adresse à « chaque personne qui habite cette planète »
.
Il a
attiré l’attention de tous. Beaucoup des commentateurs disent qu’il s’agit-il du
document magistériel le plus important de l’Eglise catholique depuis le Concile
Vatican II. La réflexion du Pape nous concerne tous : « Quelle genre de monde
voulons-nous laisser à ceux qui nous succèdent, aux enfants qui grandissent ? » (n°
160).
C’est un document qui « a pour objet, notre terre, la sauvegarde de la maison
commune ». L’écologie est devenue une préoccupation de tous, de tous les citoyens
du monde, croyants ou non, car tous nous habitons la même terre, tous nous
sommes solidaires de cette terre nourricière et nous sommes solidaire les uns des
autres…
L’itinéraire de l’encyclique est tracé au paragraphe 15, et s’articule en six chapitres.
On passe d’une écoute de la situation à partir des meilleures données scientifiques
disponibles (chap. 1), à la confrontation avec la Bible et la tradition judéo-chrétienne
(chap. 2), en identifiant les racines des problèmes (chap. 3) posés par la technocratie
et un repli auto-référentiel excessif de l’être humain.
La proposition de l’encyclique (Chap.4) est celle d’une « écologie intégrale, qui a
clairement des dimensions humaines et sociales ». (137), inséparablement liée à la
question environnementale. Dans cette perspective, le Pape François propose
(Chap.5) d’avoir, à chaque niveau de la vie sociale, économique et politique, un
dialogue honnête qui structure des processus de décision transparents, et rappelle
(Chap.6) qu’aucun projet ne peut être efficace s’il n’est pas animé d’une conscience
formée et responsable, en donnant des pistes éducatives, spirituelles, ecclésiales,
politiques et théologique pour croître dans cette direction.
Le texte s’achève par deux prière, l’une s’adressant à ceux qui croient en un « Dieux
Créateur et Père » (246), et l’autre proposée à ceux qui professent la foi en Jésus
Christ, rythmée par ritournelle du « Laudato Si » qui ouvre et ferme l’encyclique.
Quels traits marquants méritent d’être retenus ?
La solidarité avec les plus pauvres.
Aujourd’hui, cette terre, maltraitée et saccagée, pleure, et ses gémissements
rejoignent ceux de tous les pauvres.
Il est aisé de relever, presque au hasard, des
formules qui expriment les divers liens évoqués dans le document: Lien entre
écologie et justice sociale : « Il n’y a pas deux crises séparées, l’une environnementale
et l’autre sociale, mais une seule et complexe crise socio-environnementale. Les
possibilités de solution requièrent une approche intégrale pour combattre la
pauvreté, pour rendre la dignité aux exclus et simultanément pour préserver la
nature » (139). Ou encore : « Une vraie approche écologique se transforme toujours
en une approche sociale, qui doit intégrer la justice dans les discussions sur
l’environnement, pour écouter tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres
» (49). Un enseignement déjà présent aux sources du christianisme : « Quand la
justice n’habite plus la terre, la Bible nous dit que toute la vie est en danger » (70).
La proposition d’une « écologie intégrale »
Le Pape François fonde la proposition d’une « écologie intégrale » (titre du chapitre
4) : s’il s’agit bien d’abord de sauver la planète, « notre maison commune » (menacée
par des maux que le chapitre 1 expose longuement : pollutions, réchauffement
climatique, atteintes à la biodiversité, etc.), si les différentes espèces, loin de
constituer uniquement des ressources pour l’homme, ont « une valeur en elles-
mêmes », il faut aussi réduire les inégalités (entre individus et entre pays), protéger
les cultures « la disparition d’une culture peut être aussi grave ou plus grave que la
disparition d’une espère animale ou végétale » (145), promouvoir une « écologie de
la vie quotidienne » (cadre de vie, urbanisme). Ces objectifs ne sont pas concurrents,
mais se conditionnent réciproquement. C’est dans ce développement sur l’« écologie
intégrale » que le pape explicite, plutôt brièvement, ce qu’il entend par « écologie
humaine» : l’homme doit respecter la « loi morale inscrite dans sa propre nature »,
car il y a un lien entre « une logique de domination sur son propre corps » et une «
logique de domination sur la création » (155).
Lien entre écologie et spiritualité : « Nous sommes, nous-mêmes, les premiers à avoir
intérêt à laisser une planète habitable à l’humanité qui nous succédera. C’est un
drame pour nous-mêmes, parce que cela met en crise le sens de notre propre passage
sur cette terre» 160). Il précise que «ce qui est en jeu, c’est notre propre dignité ».
Cette spiritualité invite à « consacrer un peu de temps à retrouver l’harmonie sereine
avec la création, à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à contempler le
Créateur, qui vit parmi nous et dans ce qui nous entoure, dont la présence ne doit
pas être fabriquée, mais découverte, dévoilée » (225).
Un mal aux racines multiples
François est particulièrement sévère pour les dirigeants de ce monde (qui font passer
leurs intérêts avant le « bien commun »), relevant le « drame de l’immédiateté
politique » (178) et la soumission de la politique au secteur financier, dont le pouvoir
est celui « qui résiste le plus » aux efforts nécessaires ». Il incrimine quelques
tendances de fond, citées à maintes reprises comme responsables de l’impasse dans
laquelle nous sommes : les comportements individualistes et consuméristes, une
exaltation de la liberté individuelle qui n’accepte plus de se voir limitée par le « bien
commun », la perte du sens de la responsabilité à l’égard de nos semblables. Plus
novateur dans la pensée sociale de l’Église, c’est le « paradigme technocratique
dominant » (101) qui est dénoncé : « À l’origine de beaucoup de difficultés du
monde actuel, il y a avant tout la tendance, pas toujours consciente, à faire de la
méthodologie et des objectifs de la techno-science un paradigme de compréhension
qui conditionne la vie des personnes et le fonctionnement de la société » (107).
Notons que ce ne sont pas les progrès apportés par la technologie qui sont ici visés
(pas question de retourner à l’âge des cavernes, et il apprécie la beauté d’un avion ou
d’un gratte-ciel !), mais la tendance à penser toutes les relations sous le mode de
l’efficacité. Le beau, le gratuit, le relationnel en sont dévalorisés.
La « conversion écologique »,
Le Pape François invite à une «
conversion écologique
», selon l’expression de Saint
Jean-Paul II, en assumant la beauté et la responsabilité d’un engagement « pour la
protection de notre maison commune ».
Parler de « conversion écologique », c’est se référer à une attitude relevant de la
spiritualité : nouvelle figure du « tout est lié ». Et dans cette conversion, il importe de
lier le changement personnel de style de vie et la manière de faire de la politique au
niveau mondial. Il ne faut pas opposer ces deux niveaux d’action, car ils sont liés :
c’est en changeant modes de vie et modes de consommation que les citoyens font
pression sur les décideurs politiques et économiques, surtout s’ils se regroupent
pour agir : « Elle est louable la tâche des organismes internationaux et des
organisations de la société civile qui sensibilisent les populations et coopèrent de
façon critique, en utilisant aussi des mécanismes de pression légitimes, pour que
chaque gouvernement accomplisse son propre et intransférable devoir de préserver
l’environnement » (38).
Le Pape François s’adresse bien sûr aux fidèles catholiques,
en reprenant les paroles de saint Jean-Paul II : «
les chrétiens, notamment, savent que
leurs devoirs à l’intérieur de la création et leurs devoirs à l’égard de la nature et du Créateur
font partie intégrante de leur foi
» (64), mais propose «
spécialement d’entrer en dialogue
avec tous en ce qui concerne notre maison commune
» (3).
Conclusion
A nous tous, notamment MCCP Madagascar, ainsi qu’à toutes celles et ceux qui ont
soif de la justice, de beauté, de dignité, de sens, « Laudato si » nous offre une
ressource précieuses, des repères pour l’action. Puisse cette courte évocation donner
l’envie de lire ce texte fondateur dans son intégralité, de le méditer, d’en discuter
pour en prendre toute la mesure. Depuis toujours, le Pape François rappelle que
« Les autres Eglises et communautés chrétiennes – comme aussi d’autres religions -
ont nourri une grande préoccupation et une précieuse réflexion » sur le thème de
l’écologie.
L’ENCYCLIQUE DU PAPE FRANCOIS « LAUDATO SI »
« LOUÉ SOIS-TU MON SEIGNEUR »
Par Mgr Marcellin RANDRIAMAMONJY