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OlomBaovao N°117
I - La Spiritualité, une attitude fondamentale
On peut définir la spiritualité comme l’attitude
fondamentale, pratique ou existentielle d’un homme ou
d’une femme, qui est le corollaire et l’expression de sa
conception religieuse de l’existence – ou plus
généralement de sa conception éthique et engagée de
l’existence.
En contexte chrétien, la spiritualité est
une manière d’être
en relation avec Dieu et de s’adresser à Lui dans la prière,
mais aussi une manière de considérer, de regarder les autres,
humains ou non.
En ce sens, le christianisme brise les barrières et les
hiérarchies de race, de genre et de statuts sociaux : « il
n’y a plus ni Juif, ni Grec ; il n’y a plus ni esclave, ni
homme libre ; il n’y a plus ni l’homme et la femme ; car
tous, vous n’êtes qu’un en Jésus Christ » (Gal 3, 28). La
spiritualité inscrit l’homme dans une vision du monde,
d’un sens de l’histoire et du salut.
Cette attitude fondamentale renvoie à un grand récit
sur la place et le devenir de l’homme dans la nature,
qui ne peut se concevoir comme un simple récit
personnel et solitaire. La spiritualité ouvre à l’altérité
d’une vision du monde et de l’histoire portée par
d’autres que soi, voire à l’altérité d’une relation avec
Dieu ou le divin. Elle est le fruit d’une élaboration
culturelle, dans laquelle un individu apporte ses
propres variations et trouve des ressources pour
donnes du sens à son existence et orienter son action.
II - Spiritualité et Ecologie
Nous savons tous que la sensibilité écologique se
développe partout dans le monde. Notre conscience se
développe lorsque nous sommes frappés par des
phénomènes tels que la dégradation de
l’environnement, la pollution de l’air et des sols,
l’accumulation des déchets, les catastrophes naturels,
les événements climatiques extrêmes tels que les
sécheresses et les inondations, la disparition des
espèces…
Nous sommes confrontés à un défi de civilisation. Le
paradigme de la consommation croissante basée sur un
modèle de production non durable est une menace
pour tous les êtres humains de la planète. Mais nous
n’avons pas encore mis en avant un autre paradigme,
celui-ci durable, qui créera des emplois pour les
personnes et les biens nécessaires pour tous,
notamment les plus pauvres. Nous sommes donc à une
croisée des chemins.
Face à tout cela, nous avons besoin de renouveler le
cœur, une conversion. L’expérience montre que
l’annonce de futures catastrophes mobilise peu. Seule
une attitude de considération et de gratitude pour la
création, un sentiment de reconnaissance pour elle, va
nous conduire à l’aimer et en prendre soin. Un
changement d’attitude qui nous fera également croître
en tant qu’êtres humains.
Lorsque dans l’Eglise, nous parlons de la préoccupation
pour l’écologie en général, nous essayons d’embrasser
trois aspects inséparables :
1. La prise en charge de la nature
Il s’agit de la connaître, de l’aimer et de la protéger.
Cela implique un intérêt pour la vie sous toutes ses
formes et une considération de la nature qui nous
entoure. Dans la tradition chrétienne, toutes les réalités
nous rappellent le Créateur, et davantage encore dans
la mesure où elles sont complexes. Elles ont une valeur
en elles-mêmes. Elles ne sont pas là simplement pour
que l’on puisse en abuser et les dégrader, ni pour les
éliminer. Par conséquent il en découle une attitude de
louange et d’action de grâce pour la création et la
nature, une attitude qui est profondément chrétienne
(cf. Saints François d’Assise et Ignace de Loyola).
2. La défense des plus vulnérables
Ce sont les communautés les plus pauvres et les
générations futures. Dans le domaine de l’écologie, par
exemple, se joue une question de justice. Les
populations qui ont le moins contribué à la
détérioration de l’environnement sont celles qui sont le
plus exposées et qui paieront un prix le plus élevé.
C’est le grand paradoxe, alors qu’en revanche, les pays
qui reçoivent plus de bénéfices du développement
industriel et qui ont abimé la nature et émis une plus
grande quantité de gaz à effet de serre sont ceux qui
sont le mieux préparés à se défendre contre les
conséquences de la crise à venir.
3. Un nouveau style de vie
Le mode de vie consumériste des pays que nous disons
développés, ainsi que celui des populations riches des
autres pays, ne peut s’appliquer à tout le monde, parce
que la planète n’a pas autant de ressources. Il est non
pérenne et injuste. Nous avons besoin d’une nouvelle
forme de culture.
Le Père Ellacuria (jésuite salvadorien assassiné en 1989)
avait l’habitude de parler d’une « culture de la
pauvreté », par opposition à la « culture de la richesse »
qui a détruit la nature et asservi les êtres humains. En
maintenant l’actualité de sa parole, nous pouvons
parler de la nécessité d’une « culture de la sobriété
partagée », c’est-à-dire de la création et de la solidarité
avec les êtres humains les plus vulnérables. Ce mode de
vie devra donner plus d’espaces pour les cadeaux
intangibles de l’existence humaine : l’amitié, la
contemplation, l’écoute mutuelle, le soin des faibles, la
profondeur spirituel, le plaisir simple humain…
Pour résumer, il s’agit de
prendre soin de la création, de
défendre les plus vulnérables et de découvrir une
nouvelle façon d’être humain
. Les religions ont un rôle
crucial à jouer. D’une part, parce que les motivations
pour s’engager dans ce domaine sont en fin de compte
spirituelles. D’autre part, elles offrent des styles de vie
bonne. Une grande partie de l’environnement réside
dans un nouveau style de vie que les religions sont
appelées à promouvoir. Choisir la vie aujourd’hui
comprend la défense de la création au quotidien.
4. Une écologie intégrale
La question écologique n’est jamais séparée des autres
questions que le pape entend poser :
tout est lié
.
a) la question sociale : quelle solidarité avec les pauvres.
Une vraie approche écologique se transforme toujours
en une approche sociale, qui doit intégrer la justice
dans les discussions sur l’environnement, pour écouter
tant la clameur de la terre que la clameur des pauvres
(n° 49). « Quand la justice n’habite plus la terre, la Bible
nous dit que toute la vie est en danger » (n°70). La
protection authentique de notre propre vie comme de
nos relations avec la nature est inséparable de la
fraternité, de la justice ainsi que de la fidélité aux
autres.
b) la question éthique : comment vivre ? Selon quelles
valeurs ? « L’actuel système mondial est insoutenable
de divers points de vue parce que nous avons cessé de
penser aux fins de l’action humaine » (n° 61).
c) la question spirituelle : quel sens donner à notre
passage sur terre ? C’est un drame pour nous-mêmes,
parce que cela met en crise le sens de notre passage sur
cette terre (n°160) : « ce qui est en jeu, c’est notre propre
dignité ». Cette spiritualité invite à consacrer un peu de
temps de retrouver l’harmonie sereine avec la création,
à réfléchir sur notre style de vie et sur nos idéaux, à
contempler le Créateur, qui vit parmi nous et dans ce
qui nous entoure, dont la présence ne doit pas être
fabriquée, mais découverte, dévoilée (n°225). C’est
l’écologie intégrale. (cf. nos 226-227).
Saint François d’Assise ne sépare pas la préoccupation
pour la nature, la justice envers les pauvres,
l’engagement pour la société et la paix intérieure (n°10).
Tout est lié.
L’écologie intégrale consiste donc à :
Sauver la planète (menacée par des maux),
Réduire les inégalités (entre individus et entre pays)
Protéger les cultures (la disparition d’une culture
peut être aussi grave ou plus grave que la disparition
d’une espèce animale ou végétale) n°145.
Promouvoir une « écologie de la vie
quotidienne » (cadre de vie, urbanisme…).
Ces objectifs ne sont pas concurrents, mais e
conditionnent réciproquement. Delà dérive ce qu’on
appelle « écologie humaine (n°155).
5. Conversion écologique
La spiritualité écologique trouve son origine dans des
convictions de notre foi. Car ce que nous enseigne
l’Evangile a des conséquences sur notre façon de
penser, de sentir et de vivre. C’est surtout des
motivations qui naissent de la spiritualité pour
alimenter la passion et de la préservation du monde.
S’il est vrai que « les déserts extérieurs se multiplient
dans notre monde, parce que les déserts intérieurs sont
devenus très grands », la crise écologique est un appel à
une profonde conversion intérieure (n°217).
Il nous faut une réconciliation avec la création. Pour
cela, nous devons examiner nos vies et reconnaitre de
quelle façon nous offensons la création de Dieu par nos
actions et notre incapacité d’agir (n°218)
Cette conversion suppose diverses attitudes : gratitude
et gratuité, c’est-à-dire une reconnaissance du monde
comme don reçu de Dieu, la conscience amoureuse de
ne pas être déconnecté des autres créatures, pour
former une belle communion universelle (n°220).
Conclusion
Saint Jean Paul II disait : « La protection de
l’environnement n’est pas une option. Ne pas prendre
soin de l’environnement, c’est ignorer le projet du
Créateur pour toute créature et il en résulte une
aliénation de la personne humaine ».
La bonne volonté pour adapter, la réduction de la
vulnérabilité, et l’art de la prise de décision sont des
outils de réconciliation dans le conflit entre nature et
êtres humains. Les ressources spirituelles sont
nécessaires pour transformer ce conflit : le mot
« création » nous révèle que Dieu est à l’œuvre dans
toutes les choses.
SPIRITUALITÉ ET ECOLOGIE
P. Fridole RAVAHATRA, Aumônier national du MCCP