OlomBaovao N°120 (2019)

6 OlomBaovao N°120 Le 8 septembre, lors de sa visite à Madagascar, à l'issue de la réunion avec les prêtres, les religieux et les séminaristes sur le terrain de sport du Collège de Saint-Michel, le pape François a rencontré 200 des 260 jésuites de la province malgache, avec le Provincial, P. Fulgence Ratsimbazafy, dans la chapelle du collège. La réunion a duré environ 40 minutes. L'entrée du pape était accompagnée du "Veni Creator", dans une atmosphère cordiale mais aussi un peu solennelle. Une solennité que le pape voulait amortir immédiatement, affirmant qu'il ne voulait pas prononcer de discours ni en écouter. Au lieu de cela, il a demandé à "parler comme des frères" et à avoir un échange avec des questions et des réponses spontanées. La réunion a alterné une série de réponses rapides et trois réponses plus larges. Le P. Joseph Emmanuel Randriamamonjy, engagé dans l'apostolat des Exercices Spirituels, prend le micro et pose la question en italien : Quelle est votre impression de Madagascar ? Qu'est-ce qui vous a le plus impressionné ? Une chose qui m'a beaucoup frappé et qui me semble être le véritable fil conducteur de la visite a été le peuple, le peuple malgache. J'ai vu un peuple capable de supporter la pauvreté, la souffrance et l'exploitation. J'ai été frappé par la capacité à exprimer la joie, même quand il manque le nécessaire. C'est une vraie grâce. Il nous dit aussi beaucoup à nous consacrés et remet en question nos exigences raffinés typiques d'une élite. J'ai vu un peuple qui cherchait l'essentiel pour survivre, mais c'est pour cette raison qu'il est fécond. Ne perdez pas de vue les racines qui rendent votre peuple joyeux même dans la souffrance. Lorsque vous êtes tenté de devenir un peu acide et insatisfait, concentrez-vous sur l'esprit de votre peuple et sur sa fécondité. Le Père Noël Cyprien, coordinateur de l'apostolat social et écologique de la province, a pris la parole : Vous venez d'Amérique latine. Vous êtes maintenant à Madagascar. Voyez-vous une relation entre nos différents peuples ? Je dirais que nos peuples doivent faire attention à ne pas tomber dans la colonisation idéologique qui enlève notre identité. Nos peuples ont toujours la capacité de s’exprimer de manière populaire sans tomber dans le populisme. Il est important de préserver l'identité de son propre peuple, une identité qui découle de l'expression spontanée du peuple. Nous devons plutôt nous défendre d'une identité idéologique. L'expérience du peuple dépasse de loin les idéologies, abstraites de musée ou de laboratoire. L'idéologie nous fait perdre notre identité. L'identité d'un peuple ne peut être exprimée dans des concepts, mais dans des histoires. Le peuple est souverain dans ses expressions, art, culture et sagesse. Saint Ignace l'avait bien compris. Si vous vous en souvenez, dans nos Constitutions, il existe une sorte de refrain sur les choix et les manières d’agir qui dépendent toujours du contexte, de la réalité : "en fonction des lieux, des époques et des personnes". Le critère de l'action n'est jamais abstrait, mais a pour référence un certain lieu, un certain temps, des personnes précises. La vision intérieure ne s'impose pas à l'histoire qui tente de l'organiser, mais dialogue avec la réalité, elle s'insère dans l'histoire, elle se déroule dans le temps. Cela signifie que c'est le discernement qui guide l'action, en respectant toujours la diversité des cultures, des peuples, de l'intériorité des gens. C'est pourquoi la Compagnie de Jésus a pu avoir des personnalités telles que Saint François Xavier, Matteo Ricci, De Nobili, Valignano. Nos missions en Amérique du Sud ont été créatives avec le peuple et ne l'ont pas réduit à un cadre théorique. La règle d'action dans les missions a toujours tenu compte du caractère concret des lieux, des époques et des personnes. La règle est ce discernement. Le P. Joseph Rabenirina, directeur de la maison d’édition "Ambozontany", demande : "Mes parents et mes grands-parents m'ont appris que les missionnaires français donnaient comme pénitence pour les péchés la plantation d’arbres. Qu'en penses-tu ? " Cela me semble une intuition pastorale très créative ! D'après ce que vous me dites, c'était une pénitence sociale et environnementale qui contribue à la construction de la société. Aujourd'hui, quand je suis allé à la "Ville de l'amitié", le P. Pedro m'a montré des pins. Il m'a dit qu'il les avait plantés il y a à peine vingt ans. C'est vraiment très beau. À la fin de la réunion, divers cadeaux ont été offerts au pape, dont un livre sur Antonio da Padova Rahajarizafy, premier provincial malgache. Francois l'avait cité lors de son discours au palais présidentiel, alors qu'il parlait de la culture "fihavanana". Le pape a ensuite écrit une dédicace au livre du Jubilé d'or des cinquante ans de la province malgache, qui sera célébrée en 2021. François a ensuite apposé sa signature sur la traduction malgache de l'encyclique "Laudato si '". Avant une photo de groupe, il a parlé et plaisanté avec certaines des personnes présentes. Dans un climat de grande sympathie et de confusion, François est sorti pendant que les présents chantaient le chant de Taizé « Ubi caritas ».

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